Rencontre avec Tenner Diniz – Taille des pierres.

Taille des pierres. Bonjour Tenner, tu es notre spécialiste de la taille des pierres. Je suis ravi de te rencontrer et de parler de cet art si particulier qu’est la taille des pierres. Nous allons pouvoir donner pleins d’infos à nos lecteurs. Commençons par le début, comment cela se déroule-t-il quand vous recevez des pierres brutes ?

Il faut imaginer le scénario où la pierre a déjà été achetée. Car avant l’achat de la pierre, l’un des secrets d’un bon chercheur de pierres est d’être capable de regarder la matière brute et pouvoir calculer plus ou moins ce que donnera la pierre après la taille. Donc je demande à ce que les vendeurs me remettent la pierre à l’état brut afin que je puisse évaluer la qualité et voir si elle rentre dans les attentes de Juwelo.  Parfois nous achetons 10 kilos de pierres précieuses mais seulement la moitié, voire moins,  de ces pierres seront de la qualité dont nous voulons faire profiter nos clients.

 

Peux-tu nous expliquer le processus pour arriver à une belle pierre taillée ?

Concrètement, qu’est-ce que nous faisons ? Nous prenons la matière brute et nous allons commencer le processus de taille. Lors du « sciage » (voir article : http://www.monde-des-pierres.juwelo.fr/lart-du-lapidaire-tenner-diniz/) on élimine les parties de la pierre qui ne sont pas acceptables pour certaines gemmes.  Exemple : Si vous êtes en train de couper une rubellite, elle peut avoir des aiguilles mais nous ne voulons surtout pas de fissures.  Donc on fait tout pour qu’il n’y ait aucune fissure après la taille. Pour les Quartz ou les Topazes de Juwelo, on veut que les pierres soient impeccables : aucune bulle, aucune aiguille : ils doivent être à 100% sans inclusions. Enfin, chaque gemme subit un contrôle qualité et si celui-ci est validé ; alors elle est envoyée en Thaïlande pour être transformée en véritable bijou.

 

Très bien, mais alors comment être certain lorsque nous achetons des pierres qu’elles seront d’excellente qualité ? Je veux dire sans trop d’inclusions et que la qualité finale sera optimale pour nos clients ?

C’est une très bonne question.  C’est ce que nous appelons l’expertise de la pierre fine.  J’aime toujours dire : Pour devenir un expert en gemmes, c’est l’université la plus chère du monde. Lorsque nous parlons des qualités spéciales des pierres que vous voyez chez Juwelo, ce sont les plus belles pierres précieuses que le monde ait à offrir et parfois de petits morceaux de diamants bruts peuvent demander un prix très élevé. Donc, si vous n’êtes pas sûr, si vous n’avez pas une connaissance d’acheteur, si vous faites un mauvais calcul sur la pièce, vous pouvez perdre des milliers de dollars.  C’est pour cela que les chasseurs et acheteurs de pierres, grâce à des années et des années d’expérience, peuvent calculer le plus précisément possible ce que donnera la pierre une fois taillée.

 

Qu’est-ce qu’une bonne taille de pierre ?

Quand vous voulez classer la taille d’une pierre fine, il existe plusieurs échelles internationales. Cela commence par  excellente, puis très bien, ensuite bien, mauvaise et enfin très mauvaise. Ce qui différencie très mauvaise et excellente est la façon dont les facettes sont liées entre elles. Si la pierre brille et retient la lumière sans permettre de voir complètement à travers, c’est ce que nous appelons dans le commerce des pierres fines «  avoir une fenêtre ». Parfois une fenêtre peut apparaître à cause d’un mauvais facettage ou parce que lors du sciage elle n’a pas été équilibrée.

 

Comment décides-tu quelle forme, quelle sorte de taille tu vas effectuer pour une pierre ?

Dans le monde des pierres, nous devons tenir compte du prix du carat en termes de poids de la pierre finale. Si nous devons sacrifier le poids par une coupe particulière, nous devons être certains que la pierre gagnera en qualité. Par exemple : j’achète une Tourmaline Paraïmba pour 10 000$ la pièce,  je la coupe en ovale et j’obtiens une pierre de 10 carats ce qui fait 1000$ le carat. Prenons la même pièce et je décide de la couper en forme ronde.  Ca devient alors une pierre ronde 5 carats et la pierre brute me coute toujours 10000$. Mais au lieu d’avoir un prix par carat de 1000$ j’en ai un de 2000$. Voilà pourquoi nous aimons à répéter mon frère (ndlr. Tony Dinniz – acheteur de pierre chez Juwelo) et moi : regardez en détail une coupe ronde ou un trilliant, cette pièce aurait dû couter le double du prix. Si vous voyez une coupe ronde, trilliant ou une forme originale, rappelez-vous toujours que c’est un  grand gaspillage de matière brute. Mais c’est un sacrifice pour proposer quelque chose de plus joli, plus original, plus particulier. Avoir un regard différent sur la pierre ! Si vous voyez une pierre en coupe ronde 2 carats et que vous comparez avec une coupe ovale de 2 carats, je recommanderai de choisir la coupe ronde.

 

Tu as commencé dès l’âge de 17 ans à tailler des pierres. Penses-tu connaître toutes les pierres du monde ou as-tu parfois encore quelques surprises ?

J’apprends tous les jours, c’est quelque chose sans fin. Nous avons beaucoup de chance de faire partie de Juwelo parce que  nous avons la chance de travailler avec de splendides pierres fines. Nous travaillons souvent des Zultanites ce qui améliore chaque jour notre savoir-faire. Mais écoutez, si quelqu’un dit tout connaitre sur les pierres fines ça signifie qu’il en a encore beaucoup à apprendre. Donc j’apprends tous les jours ! J’essaye de faire de mon mieux pour les coupes, vérifier la qualité, la couleur…mais j’espère encore en apprendre 10 fois dans les 10 prochaines années.

 

Une collègue me demandait : si elle t’apporte une pierre quelconque, pourrais-tu en faire une pierre taillée qui ait l’aspect d’une véritable gemme ?

Par définition le polissage d’une pierre dépend de la réfraction de la gemme. Donc si vous trouvez une brique ou juste une pierre dans la rue,  elles peuvent bien sûr être polies et facettées ; si elles sont assez dures. Mais le résultat dépend vraiment de la qualité de la pierre brute. Chaque gemme est une pierre, mais toutes les pierres ne sont pas des gemmes.

 

Il y a-t-il des pierres plus difficiles à tailler que d’autres ?

Oui,  c’est comme ça que nous répartissons nos lapidaires. Nous avons des lapidaires qui peuvent tailler un certain type de pierres mais n’ont pas les compétences et l’expérience nécessaires pour couper d’autres types de pierres plus fragiles.  Nous faisons donc des apprentissages en interne pour cela. Ils peuvent couper du Quartz ou de la Topaze mais pas de la Pétalite ; ils peuvent couper  de l’Aigue-Marine, mais ne  pas polir une Pétalite . Certaines pierres fines ne sont pas classées par leur prix mais par leur difficulté pour être taillées.  La Pétalite est la pierre la plus blanche que je connaisse, elle a un prix raisonnable mais c’est aussi une des pierres les plus dures à polir que je connaisse.  On parle de lapidaires compétents au Brésil s’ils sont capables de réaliser 50 pièces identiques et sur une échelle de 1 à 10, la Kunzite est à 10.

 

J’ai entendu dire qu’il y avait des concours de taille de pierre. As-tu déjà participé à ces concours ? Tu essayes souvent des coupes originales ?

Malheureusement aujourd’hui je n’ai plus beaucoup de temps pour ça. Mais quand j’étais plus jeune  et que j’ai commencé à tailler les pierres, j’ai participé à de plusieurs compétitions de taille de pierres. J’ai gagné deux prix pour la meilleure taille et le deuxième prix de concept de taille dont je suis très fier. Malheureusement aujourd’hui je n’ai pas assez de temps pour m’assoir et ne tailler que des pierres, car je suis aussi responsable d’achats de pierres. Mais c’est quelque chose que mon équipe au Brésil et moi-même faisons tous les jours. Nous essayons des nouvelles coupes, d’autres techniques, d’autres machines, nous essayons tout pour que Juwelo continue à être ce qu’il est aujourd’hui : un point de repère ! Quand nous faisons une nouvelle coupe nous sommes surs que 6 mois plus tard les gens essayeront de nous copier.  Mais ils peuvent copier, pas de problème. Nous créons des nouvelles coupes tous les jours !

 

As-tu une anecdote à nous raconter ?

Je dirai qu’il y a une coupe que j’ai créée qui s’appelle «  rêve de bulles », qui est une coupe qui parait simple, mais qui est extrêmement compliquée à faire. Cela demande beaucoup de précision et de patience quand vous la taillez. Et, croyez-le ou non, les hommes dans mes locaux sont incapables de la faire à la perfection à l’inverse des femmes. Elles les battent 10 à 0 !